Il était une légende …
Tout commence avec un certain Raymondin, fils du comte de Lyon et du Forez, de séjour auprès de son oncle, le Comte du Poitou. Au cours d'une partie de chasse, Raymondin tue accidentellement son oncle et, pris de panique, il prend la fuite et se perd dans les bois.
Au détour d'un chemin, certainement proche d'un cours d'eau, il fait alors la rencontre d'une magnifique jeune femme : Mélusine. Ensorcelée par sa mère Présine, épouse du roi d’Albanie, Mélusine était condamnée à se transformer tous les samedis en créature mi-femme mi-serpent jusqu’au jugement dernier. La durée de ce châtiment pouvait être écourtée si elle se mariait à un chevalier promettant de ne jamais chercher à percer son secret. Mélusine voit alors en Raymondin celui qui pourra la libérer de sa malédiction.
En échange d'un mariage et de la promesse de jamais chercher à savoir ce qu'elle faisait le samedi, la fée promet au jeune fuyard une vaste terre et une nombreuse descendance. Raymondin accepte et respecte durant de nombreuses années cet étrange serment. Le couple coule des jours heureux et a même dix enfants.
Toutefois, un jour, poussé par la curiosité, Raymondin perce un trou dans la porte de la chambre de son épouse et la découvre dans son bain au moment de sa mutation. Trahie, Mélusine s’envole par une fenêtre du château pour trouver refuge dans les cuves de Sassenage. On raconte que la fée avait coutume de survoler la région pour veiller sur sa descendance et qu’elle poussait un cri de lamentation pour prévenir de la mort d’un seigneur de Bérenger-Sassenage, trois jours avant que le malheur n'arrive.
Fiers de leur origine féérique, les Sassenage choisissent la légende de Mélusine pour devise : « Si fabula, nobilis est ! » (Si c'est une fable, elle est noble !).
Mélusine de Sassenage, peinture sur faïence, non datée. © Château de Sassenage / Collections
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D'où nous vient la fée des eaux ?
La légende de Mélusine se serait répandue dans la région à partir des années 1660 (époque à laquelle les Seigneurs de Sassenage font bâtir leur nouveau château).
Le personnage féérique de Mélusine nous viendrait originellement des Ligures (qui occupaient les Alpes), et qui vouaient un culte à la déesse de la fécondité Lucine. Cette divine créature aurait été transformée au fil de l’histoire en Mélusine.
L’histoire de la Maison, de l’an Mil au 17e siècle
Les Sassenage descendraient des comtes de Lyon et du Forez et se seraient établis en Dauphiné vers l’an mil. Au 14e siècle, la famille se lie aux Bérenger du Royans et étend son influence sur la partie Nord du Vercors et ses alentours : la Maison Bérenger-Sassenage était née ! Au fil des alliances, elle devint l’une des plus puissantes familles dauphinoises et atteignit le rang de seconde Baronnie du Dauphiné.
Ses membres occupent alors de hautes charges au sein de la société (évêques, militaires, conseillers des Dauphins…).
Ils évoluent sur un territoire qui conservera longtemps son autonomie : appartenant au Saint-Empire Romain Germanique, le Dauphiné est rattaché au Royaume de France en 1349. Endetté et sans héritiers, le dernier Dauphin indépendant -Humbert II- cède son Etat au roi de France Philippe VI via le Traité de Romans mais s’assure, en échange, que le Dauphiné garde son statut particulier.
Le Dauphiné sera traditionnellement réservé à l’héritier du trône de France : les fils aînés des rois de France prendront ainsi le titre de « Dauphin » dès leur naissance.
L'abdication d'Humbert II, huile sur toile d'Alexandre Debelle, 1847. Photographie © Musée de Grenoble
Devises et armoiries
Les premières armoiries des Bérenger-Sassenage sont empruntées aux Princes de Royans, et représentent le lion. Prenez garde, deux fauves de pierre gardent, aujourd’hui encore, l’entrée du Château…
La devise de la famille, « Si fabula, nobilis illa est », (« Si c’est une fable elle est noble », en référence à la légende de Mélusine), peut varier : Jacques de Sassenage adopte « Une sur toute » par amour, et les Sassenage de Pont-en-Royans lui préfèrent « J’en ai la garde du pont » !
Blasons des familles Sassenage et Bérenger © Château de Sassenage
Photo du bandeau © Etienne Eymard Duvernay / Château de Sassenage
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