L’expérience de la vie à Versailles…
Après avoir été présentés à la Cour en 1736, les époux Sassenage s’installent à Versailles suite à l'obtention par Charles-François de la prestigieuse charge de menin du Dauphin : il entre au service du fils aîné de Louis XV, et devra veiller sur lui.
De son coté, Marie-Françoise-Camille crée un solide réseau de relations. Elle est une amie proche de Jeanne-Antoinette Poisson, future Madame de Pompadour, favorite du Roi. Cette amitié de longue date, animée par une passion commune pour le théâtre, donne de nombreuses occasions à Marie-Françoise-Camille de compter parmi les proches de Louis XV. Le Marquis de Luynes écrit à ce sujet en octobre 1746 « le Roi soupa lundi dans ses cabinets. Les Dames étaient Mmes d’Estrades, de Sassenage et de Pompadour. Ce sont toujours à peu près les mêmes, ces trois-là ».
Un esprit indépendant
Bien que le statut juridique de la femme au 18e siècle soit considéré comme mineur au regard de celui de l’homme, Marie-Françoise-Camille obtient en 1738 la séparation en biens de son époux, afin de protéger son patrimoine des dettes de ce dernier. Le couple reste cependant uni et continue à vivre sous le même toit.
Faites vos jeux ! Table à jeu, cartes à jouer et coffret de loto du 18e siècle © Etienne Eymard Duvernay / Château de Sassenage.
Devenue veuve en 1762, la Marquise de Sassenage quitte Versailles pour s’installer à Paris. Loin de se replier dans un veuvage pieux, comme le voudrait l’usage, elle multiplie les activités mondaines et loisirs, comme la promenade sur les boulevards. Elle y achète aux marchands ambulants des biscuits, chocolats, glaces et sirops d’orgeat : sa passion du chocolat est telle que 15 tablettes sont retrouvées dans sa table de nuit lors de l’inventaire après décès !
La Marquise de Sassenage a également une autre passion : le jeu ! Jeux de hasard et jeux de cartes font alors fureur dans les salons et Marie-Françoise-Camille n’échappe pas à cette fièvre ! Tric-trac et piquet se jouent sans réserve, même si les jeux d’argent sont alors officiellement interdits. On conserve au Château de Sassenage plusieurs tables à jeu commandées par la Marquise aux célèbres ébénistes Hache.
À 67 ans elle quitte Paris pour Grenoble. Elle ne réside pas dans son château de Sassenage puisqu’elle l’a loué entrepreneur désireux d'y installer une manufacture de dentelle. Logée près de l'actuelle place de Lavalette, elle participe et organise des évènements mondains et s’impose dans la vie grenobloise par son nom prestigieux et son expérience de la Cour.
Une muse en son temps
La nouvelle « Reine » de Grenoble aime se divertir, et affiche une personnalité joyeuse et affirmée. L’avocat François Letourneau écrira d’ailleurs qu’« [elle] respire le plaisir plus qu’une jeune femme de quinze ans, elle aime les bals, les fêtes, les soupers brillants ; elle donne à jouer et fait avec prodigalité les frais de tous ces plaisirs ».
Les Liaisons dangereuses
Cette personnalité hors du commun fera écrire au chevalier de Mautort que Pierre Choderlos de Laclos, lors de son séjour à Grenoble de 1769 à 1775, se serait inspiré de la Marquise de Sassenage pour créer le personnage de Madame de Merteuil dans les liaisons dangereuses. A ce jour la question n’est pas tranchée et il semble plus vraisemblable que plusieurs femmes aient inspiré l’auteur.
Illustration : Glenn Close et John Malkovich ont immortalisé Madame de Merteuil et le Vicomte de Valmont dans le film Liaisons dangereuses de Stephen Frears, sorti en 1988.
Marie-Françoise-Camille demeure la muse de nombreux écrivains de son temps. Plusieurs d’entre eux lui dédieront des textes ou la mettront en scène dans leurs œuvres.
Muse, esprit libre dans la France des Lumières, Dame de Cour, la Marquise s’éteint à l’âge de 82 ans lors d’un voyage à Lyon en 1786. Elle lègue tout son patrimoine à sa dernière fille, mariée à un Bérenger.
De Sassenage à Bérenger
Du mariage de Marie-Françoise-Camille et de Charles-François sont nés six filles et un seul fils, mort quelques jours seulement après sa naissance. Le patronyme et la lignée des Sassenage sont donc voués à s’éteindre. Marie-Françoise-Camille est parvenue à assurer la conservation du patrimoine au sein de la même famille en nommant héritière universelle sa plus jeune fille, Marie-Françoise-Camille de Bérenger (1738-1810), mariée depuis 1755 à Raymond-Pierre de Bérenger du Guâ (1733-1806).
Ils ont un fils, Raymond-Charles-Ismidon, à qui la marquise de Sassenage lègue par anticipation en 1775 le domaine de Sassenage.
Rappelons que les Bérenger et les Sassenage ont une ascendance commune. Par ces dispositions testamentaires, Marie-Françoise-Camille de Sassenage favorise ainsi la réunion de deux grands héritages : celui des Sassenage et celui des Bérenger.
Ci-contre : Portrait présumé de Marie-Françoise-Camille de Bérenger © Château de Sassenage
Photo du bandeau © Etienne Eymard Duvernay / Château de Sassenage
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